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Le vrai coût énergétique du numérique

Surfer sur Internet, utiliser une application, regarder une vidéo en streaming, discuter en visio… toutes ces activités qui paraissent aujourd’hui naturelles à nombre d’entre nous sont loin d’être anodines pour l’environnement.

ANNE-CÉCILE ORGERIE ET LAURENT LEFÈVRE|  |  POUR LA SCIENCE N° 518|  

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Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, et en particulier durant les périodes de confinement, le télétravail a pris une grande importance dans nombre de services publics et d’entreprises. L’usage des transports s’en est trouvé considérablement diminué. Mais peut-on dire pour autant que le télétravail et l’utilisation massive d’Internet qui y est associée ont été bénéfiques pour l’environnement ? Plus généralement, quel est l’impact environnemental du numérique ? Et comment le diminuer ? Répondre à ces questions n’est pas simple. Pour établir l’impact environnemental d’un système numérique, il faut mesurer son coût énergétique. Mais qu’est-ce que cela signifie pour un système aussi complexe et interdépendant qu’Internet ?

Né il y a cinquante ans, accessible au grand public depuis une trentaine d’années, Internet est devenu un outil quotidien et indispensable pour quelque 4,5 milliards d’utilisateurs dans le monde, soit un peu moins de 60 % de la population mondiale. Son succès planétaire fulgurant a entraîné sa croissance très rapide.

Courriers électroniques, messageries instantanées, moteurs de recherche, réseaux sociaux, stockage dans le cloud, vidéo à la demande en streaming, etc. Les services d’Internet ont évolué au cours du temps, et son architecture s’est étendue et complexifiée pour répondre à cette demande. Internet donne ainsi accès à un monde numérique, électronique, dématérialisé, virtuel… autant d’adjectifs qui lui confèrent un aspect quelque peu magique. Pourtant, ses infrastructures sont bien réelles et consomment de l’énergie et des ressources, très souvent sans que l’utilisateur en ait conscience.

À une époque où dérèglement climatique et épuisement des ressources naturelles interpellent les utilisateurs, les impacts environnementaux d’Internet restent largement méconnus et sont encore peu étudiés. Les études existantes indiquent que ces impacts sont considérables et préoccupants, aussi bien en termes de consommation énergétique, de consommation de matières premières ou d’empreinte carbone. Mais ces études brossent des tableaux variés, avec des chiffres différant parfois fortement de l’une à l’autre.

En 2014, Vlad Coroamă, de l’université technique de Lisbonne, et Lorenz Hilty, de l’université de Zurich, ont ainsi observé, en examinant les articles parus les dix années précédentes sur le coût énergétique d’Internet, une grande disparité des estimations, avec des différences allant jusqu’à quatre ordres de grandeur. En cause, les incertitudes sur les mesures, les approximations faites sur les modèles, mais aussi le périmètre choisi pour l’évaluation : les résultats varient considérablement selon que l’on prend en compte ou non les objets terminaux qui utilisent Internet. C’est pourquoi il est si compliqué de déterminer si le télétravail est bénéfique pour l’environnement ou même simplement si une requête internet coûte autant que trois heures ou dix minutes de bouilloire

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